Samedi 27 mars 2004
Vol Paris - Louxor
Orly - Rendez-vous à midi ... décollage à 16h30 pour une arrivée vers 21h, douane, immigration ... et embarquement immédiat à bord du Nile Dream, qui quitte aussitôt le quai. Une soirée de douceur entre Nil et ciel et passage de l'écluse d'Esna en milieu de nuit.
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Dimanche 28 mars 2004 |
Edfou
Après une matinée de navigation, nous accostons pendant le déjeuner. Le trajet jusqu'au temple ptolémaïque d'Edfou se fait en calèche.
Consacré à Horus, et pendant du temple de Denderah, il était le centre de la fête Heb : Horus et Hathor sortaient chacun de leur sanctuaire et partaient en procession à la rencontre de l'autre pour une union de quinze jours. De cette union est né Horus Horsomtous (Horus et Mataoui, qui unit les Deux-Terres).
La navigation reprend. Le Nil se déroule comme un ruban à la fois éternel et changeant, présentant une extraordinaire variété de faune, de flore, de paysages et de vie rurale. Le désert est toujours visible sur l'une des deux berges, souvent à moins de cent mètres.
Un peu avant le crépuscule, nous accostons à la "ville de l'or", qui sera notre escale pour la nuit. C'est le moment idéal pour profiter de la lumière changeante et arasante, qui rougit les pierres, alonge les ombres et fait ressortir merveilleusement les bas-reliefs. Mais la visite elle-même ne se fera qu'au petit matin, avec un éclairage beaucoup plus cru.
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Lundi 29 mars 2004 |
Kom Ombo
Ce temple, lui aussi d'époque ptolémaïque, présente plusieurs particularités :
- Dédié à deux divinités, Horus-Haroeris (Horus le grand, dieu-faucon) et Sobek (crocodile), il est doublé sur toute sa longueur : salle hypostyle, pré-naos et naos sont parfaitement symétriques.
- Le premier pylône est perpendiculaire à l'axe principal.
- En l'honneur du dieu Sobek, les crocodiles y étaient momifiés. Plusieurs exemples y sont exposés dans une petite chapelle attenante.
- De nombreux écrits scientifiques relatent les savois de l'époque, en particulier en médecine et en astronomie.
- Un nilomètre de forme cylindrique descend comme un puit en bordure du fleuve.
La navigation reprend dès la fin de la visite et se poursuit pendant le déjeuner, pour nous amener jusqu'à la première cataracte. Comparée à ma première expérience de 2002, j'apprécie beaucoup plus agréable de naviguer de jour, profitant du spectacle continu des oiseaux, des paysans aux champs, des scènes de pêche, ... Un petit conseil : n'oubliez pas une petite paire de jumelles ! Elle vous servira aussi bien de jour que de nuit.
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Ile de Philae
A peine accostés, nous prenons un bus pour l'île de Philae.
C'est encore un temple ptolémaïque, déplacé par la mission de sauvegarde de l'UNESCO sur une île proche de celle d'origine, entre les deux barrages.
Parmi les singularités de ce site :
- Le "mammisi" (maison d'accouchement) est parallèle à l'axe principal du temple et accolé à ce dernier, alors qu'on le trouve plus classiquement perpendiculaire et un peu isolé.
- Le petit temple de Trajan, plus tardif, est une merveille de proportion.
- Un petit temple dédié à Hathor, la "Lointaine", célèbre son retour de sa quête de l'oeil d'Horus.
Légende d'Osiris : enfermé par son frère Seth dans un coffre à sa taille exacte, puis jeté à l'eau, le corps d'Osiris est retrouvé par son épouse Isis. Mais Seth le reprend, le découpe en quatorze (ou plus selon les théories) morceaux, qu'il dissémine dans tout le pays. Isis parviendra à les rassembler et à faire revivre Osiris, dont elle enfantera Horus.
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Haut barrage
Construit en 1971 avec l'aide russe, il vient en remplaçement de l'ancien barrage (1902). Cette construction est sujette à de très nombreux débats, chaque parti en démontrant les avantages et les inconvénients. Parmi les effets les plus notables, citons la maîtrise de l'irrigation, la sécurisation des surfaces habitables, la production massive d'électricité, mais aussi la sumbersion de la basse Nubie par le lac Nasser, le déséquilibre climatique engendré par cette "mer intérieure", la salinisation des sols en aval qui corrode les fondations des sites archéologiques, l'appauvrissement en limon de toute la vallée égyptienne du Nil, ...
Lachant le groupe dans les fabriques de parfums et de papyrus, je retourne à pied vers le centre-ville à travers les faubourgs, longeant un stade de foot archi-comble (sport roi en Egypte), et le cimetière fatimide, pour arriver au musée nubien.
Musée de la Nubie
Ouvert récemment, le bâtiment moderne est planté dans un grand jardin regorgeant de surprises à chaque détour : grottes remplies de gravures rupestres, cours d'eau simulant le parcours du Nil, statues et obélisques éparpillées au milieu d'une magnifique végétation très variée.
A l'intérieur, sont présentées de très belles collections d'artefats ubliens de toutes les époques, en ordre chronologique, dans une muséographie très réussie. A noter également de belles maquettes (dont celle du fort de Bouhen) et quelques scènes de la vie quotidienne reconstruites en taille réelle et montrant les habits, les rites et coutumes, les aménagements, les outils, ...
Après un pot à la terrasse de l'Old Cataract au coucher du soleil, face à l'île d'Eléphantine, je reviens au bateau le long de la corniche illuminée par les éclairages nocturnes.
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Mardi 30 mars 2004 |
Nécropole de Syène
La journée étant libre, je décide de traverser le Nil et d'aller revoir les tombeaux des princes d'Eléphantine (fin Ancien Empire) et d'atteindre enfin le monastère Saint Siméon que j'avais manqué il y a deux ans. Avant de monter à la nécropole, je fais un tour au petit village nubien voisin (Nagaa al Qoba) où deux jeunes femmes m'offrent le thé.
Pour visiter les tombes surtout ne pas oublier d'acheter les billets en bas, si vous décidez comme moi de faire un détour et d'arriver directement à la hauteur des hypogées ... sous peine de devoir descendre et remonter !
Au-dessus de la nécropole est érigé un mausolée en l'honneur du marabout Qoubbet el-Haoua. Le point de vue sur toute la vallée vaut vraiment l'effort !
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Monastère Saint Siméon
Caché au fond d'un oued qui part derrière le mausolée de l'Agan Khan, ce monastère est aussi accessible par le vallée nord, qui part du village nubien cité plus haut. Mais je vous recommande, si vous êtes téméraire, de prendre le chemin de crête de puis la nécropole : tout au lond du chemin (environ une heure de marche), vous profiterez d'une vue exceptionnelle sur toutes les îles qui parsèment le Nil et composent ainsi la première cataracte.
Le monastère lui-même est assez ruiné, mais son architecture reste lisible dans les pans de murs restants. On peut même trouver quelques restes de peintures coptes polychromes.
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Jardin botanique de l'île Kitchener
Rejoignant le Nil par le mausolée de l'Aga Khan, je fais du "felouque-stop" pour rejoindre l'île Kitchener. Inutile de vous dire que la négociation est âpre, car les clients ne sont pas nombreux, et un peu coincés à cet endroit où il n'y a pas de ferry local !
Le jardin botanique occupe toute l'île, héritage du britanique Lord Kitchener qui y implanta toutes sortes d'essences africaines.
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Ile Eléphantine
Hélant de nouveau une felouque, je traverse le bras du fleuve pour l'île d'Eléphantine. Accostant au sud, il faut traverser les deux villages nubiens pour atteindre le secteur archéologique.
Le musée vieillot et poussiéreux devrait bientôt ouvrir son annexe, qui promet d'être intéressante ! Le temple de Khnoum, dieu potier façonneur de l'humanité et protecteur du Nil, s'étend sur toute la partie haute de l'île, face aux rochers de granit de la première cataracte.
Le nilomètre voisin, gradué en hiéroglyphe, en grec et en latin, fut sans doute le plus important dans l'Egypte antique, car étant très en amont, il permettait de prévoir l'ampleur de la crue avant tous les autres. De nombreuses légendes associent à la première cataracte un rôle essentiel dans la crue du Nil.
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Son et Lumière à Philae
De retour au bateau par le ferry local, et après une courte pause, le groupe reprend le bus pour assister au son et lumière de Philae. La version française est récitée par Suzanne Flon (Isis) et Jean Topart (Hapi).
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Mercredi 31 mars 2004 |
Abu Simbel
Réveillés à 3h du matin, avec un panier repas pour le petit-déjeuner, le groupe se retrouve dans l'autocar pour rejoindre le convoi militaire vers Abu Simbel. Il faudra environ trois heures, émaillées d'un accident et d'une crevaison pour l'atteindre. La compensation fut le lever du soleil en plein désert.
La visite des deux temples de Ramsès II et Nefertari se fait encore une fois au pas de course, contrainte par l'horaire du convoi. Il faut vraiment choisir de dormir sur place pour prendre son temps !
Le retour se fait encore plus vite que l'aller et nous arrivons à Assouan à l'heure du déjeuner. A peine à bord, le bateau largue les amarres et nous repartons vers le nord.
La navigation se fera d'un trait jusqu'à Louxor, passant l'écluse d'Esna de nuit, ce qui nous évite de longues heures d'attente (parfois 10 heures en haute saison !).
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Jeudi 1er avril 2004
Thèbes ouest
Peu après l'accostage, nous prenons l'autocar pour Thèbes ouest et la Vallée des Rois. Coup de chance, la tombe de Ramsès IV, l'une des plus décorées, vient d'ouvrir au public. C'est dans ce lieu que Jean-François Champollion séjourna durant trois mois !.
Je visite également la double tombe de Ramsès V et VI, tout en longueur, avec sa suiccession de couloirs, de portes et de salles funéraires. Le sarcophage, brisé et renversé, est toujours là, énorme.
Enfin, je parcours l'hypogée de Ramsès Ier, fondateur de la XIXème dynastie, prère de Sethy Ier, qui ne règna qu'une année. Du coup, sa tombe n'a pu être qu'ébauchée. Toute en profondeur, seule la chambre funéraire est peinte, et non gravée.
Les photos étant formellement interdites depuis plusieurs années, je ne peux malheureusement pas vous partager le plaisir de ces découvertes.
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Deir el Bahari
Le temple de "millions d'années" de la reine Hatchepsout est original à plus d'un titre : contruit en hémispéos (moitié construit à flanc de rocher, moitié creusé), dans un cirque limitrophe de la vallée des rois, il possédait peut-être un tunnel le reliant au tombeau du père de la reine, Thoutmosis Ier.
La construction en trois terrasses successives est également très surprenante.
Différentes chapelles latérales sont encore richement colorées et montrent des scènes exceptionnelles, comme l'expédition au pays de Pount, pour rapporter des essences rares, des métaux précieux, des épices, ...
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Colosses de Memnon
Les deux statues colossales d'Amenhotep III (Aménophis en grec) sont les seuls vestiges visitables du temple funéraire de ce grand monarque de la XVIIIème dynastie, plus diplomate que guerrier, et père du célèbre "pharaon hérétique" Akhenaton.
Nous finissons cette excursion par la vallée des Reines, avec les tombes de Titi, grande épouse royale de Ramsès III, et de ses deux fils Amon Her-Khopeschef et Khâ-em-Ouaset. Là encore, les photos sont prohibées.
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Musée de Louxor
Après un déjeuner tardif à bord, nous enchaînons par la visite du musée égyptien, qui renferme assez peu de pièces mais toutes de grande facture et fort bien mises en valeur.
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Son et Lumière à Karnak
Rentrant à travers la partie touristique du souk, nous enchaînons par une dîner précoce (après un déjeuner tardif, personne n'a vraiment faim !) pour être à l'heure au spectacle nocturne de Karnak.
Dans une première phase, le public se déplace depuis l'entrée principale (allée des sphinx) jusqu'à la salle hypostyle. Les jeux de lumière sont grandioses, et les voix caverneuses de la bande -son semblent venir d'outre-tombe.
Puis nous sommes canalisés vers le bout du lac sacré où nous allons assister à la deuxième partie. De cet endroit, la vue englobe la majeure partie du domaine d'Amon. Les reflets des bâtiments éclairés dans l'eau parfaitement lisse du lac sacré font oublier le texte français un peu emphatique dit par Jean Piat.
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Vendredi 2 avril 2004 |
Karnak
L'avant-goût d'hier soir étant loin de suffire, nous y revenons dès le matin. Ce site est impressionnant par son gigantisme : statues colossales, pylône haut de 32 mètres, salle hypostyle de 134 colonnes de 23 mètres, un enchaînement de salles, de cours, de temples dont on ne semble jamais voir la fin, ... Comme toujours avec les voyages organisés, la visite est beaucoup trop courte. Mais cette fois-ci, j'ai la parade : je reste une semaine en "solo" à Louxor et je compte bien revenir !
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Temple de Louxor
En plein centre de la ville, ce temple est envahi par une mosquée du XIIIème siècle (cf. plus loin). Il représentait le "harem d'Amon" dont la résidence était à Karnak. Une fois par an (mi octobre), la fête d'Opet célebrait les retrouvilles d'Amon, qui sortait en procession de son sanctuaire en procession par l'allée des sphinx (dromos), avec son épouse Mout résidant à Louxor.
A noter l'absence de l'obélisque de droite en facade : elle fut donnée à la France par Méhémet Ali par l'entremise de JF. Champollion et trône actuellement place de la Concorde à Paris.
deux annecdotes : en remerciement, la France offrit une horloge qui orne la mosquée de la Citadelle du Caire ... et qui n'a jamais fonctionné !
Ali Pacha offrit en fait les deux obélisques. JF Champollion estima qu'un seul suffirait à démontrer l'art de l'ancienne Egypte aux français (et le coût de transport aurait été excessif) ... Ce n'est que sous la présidence de François Mitterand que la France renonca définitivement au second.
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Musée de la momification
Le long de la corniche, face au temple éclairé la nuit, et juste à côté des bateaux de croisière, ce petit musée ne fait généralement pas partie des programmes de visite. Ouvert jusque tard en soirée, c'est un extra facile d'accès si la journée ne vous a pas épuisé. Une heure suffit pour découvrir les techniques de momification et les rites qui y sont associés.
C'est le dernier jour du voyage organisé. Le tour operateur a prévu un petit spectacle de clôture, avec danse du ventre, derviche tourneur et soirée disco.
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Samedi 3 avril 2004 |
Journée de transition
Je fais mes adieux au groupe qui repart pour la France et je quitte d'un coeur léger l'ambiance un peu pesante du voyage organisé pour une semaine de totale autonomie.
L'hôtel Arabesque, recommandé par Yehia et le guide du Routard est un peu décrépi ; ce fut certainement un établissement de prestige qui a mal vielli, comme beaucoup d'autres en Egypte. Il est remarquablement situé, juste derrière le temple de Louxor, et dispose d'une terrasse aménagée sur le toit qui permet d'admirer le coucher de soleil sur la cîme thébaine depuis une mini-piscine ! La chambre est très spacieuse (ça change de la cabine étriquée du bateau), avec petit balcon donnant sur le temple, une climatisation bruyante mais qui a le mérite de très bien fonctionner, les sanitaires propres quoique la plomberie soit très vétuste.
Je passe le reste de la journée en exploration et repérage à travers la ville :
- A l'Office du Tourisme pour glaner liste des sites ouverts, horaires, tarifs et autres renseignements pratiques
- Dans les librairies spécialisées, où je m'étonne du nombre d'ouvrages publiés dans toutes les langues sur l'Egypte ancienne
- Promenade le long de la corniche, dans les souks (touristique et autochtone), et passage dans un Internet-café pour relever mes courriels accumulés depuis une semaine.
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Dimanche 4 avril 2004
Je suis réveillé de très bonne heure par le chant des oiseaux qui pullulent dans les jardins du Louxor hotel, juste en face de l'Arabesque. Ce sera ainsi pendant toute la semaine ... 'enchantement' n'est pas un vain mot !
Une journée bien remplie à Karnak
J'expérimente le micro-bus pour me rendre à Karnak. C'est sans conteste le meilleur mode de transport à Louxor, fréquent, rapide, simple à attraper, efficace, économique (25 piastres quelque soit la distance) ... évidemment, ce n'est pas un autocar pullman climatisé, mais on peut aussi y faire des rencontres amusantes !
plan extrait de mon carnet manuscrit
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Temple de Mout
En traversant le petit bourg adossé au mur d'enceinte du domaine d'Amon (surnommé "Karnak Village"), j'arrive au ruines du temple de Mout, épouse d'Amon et mère de Khonsou.
Bien qu'il ne soit pas officiellement ouvert, il est finalement assez facile de le visiter sous l'oeil vigilant du policier de faction, et accompagné de pseudo-guides locaux ... qui n'y connaissent strictement rien, mais ont un avis sur tout.
Le site est envahi d'herbes folles, au milieu desquelles surgissent éparses des dizaines de statues de Sekhmet. Il y en avait parait-il autant que de jours dans l'année. Les plus belles sont désormais dans les musées, et en particuler au musée à ciel ouvert de Karnak.
Une autre particularité de ce domaine est le lac sacré en forme de haricot.
Le dromos est l'allée bordée de sphinx (un tous les cinq mètres) qui relie un temple à l'autre. Celui qui amène du domaine de Mout à celui d'Amon est en pleins travaux de restauration. Les ouvriers sont étonnament soigneux et très fiers de leut travail, et je reconnais bien qu'il y a de quoi.
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Domaine d'Amon
Libéré des contraintes du voyage organisé, il m'est enfin possible d'explorer les zones moins connues du gigantesque domaine d'Amon :
- Temples de Khonsou et d'Opet : ignorés bien à tord par les touristes, ils offrent des hiéroglyphes très profonds et des couleurs très bien conservées. Les photos en longue pose (30 secondes, vive le pied !) les révèlent mieux qu'à la lampe de poche, dans des salles latérales sans le moindre éclairage.
- L'axe sud (pylônes 7 à 10) est en partie en travaux, avec la reconstruction du neuvième pylône, un chantier qui va sûrement durer de nombreuses années. En faisant le tour par le sud-ouest, il est possible de découvrir des décorations intactes, plus belles encore que celles de l'axe principal.
- L'extrémité est du domaine contient encore de beaux restes, éparses au milieu de champs de pierraille et d'herbes folles. J'ai particulièrement apprécié une petite chapelle osirienne qui n'est pas signalée dans les guides.
- Au nord, le petit temple de Ptah renferme une statue du dieu, assez endommagée, et une autre de Sekhmet de toute beauté, cachée dans la pénombre. Ici aussi, la longue pose et le pied sont nécessaires.
- Sous le regard hostile des militaires de faction, je jette tout de même un oeil sur le domaine de Montou, dont il ne semble pas rester grand chose, en tout cas de ce point de vue.
- Le musée en plein air, à l'angle nord-ouest, regorge de trésors restaurés ou en cours de restauration, très bien mis en valeur, qui permettent d'imaginer la spendeur que devait avoir le complexe il y a trois ou quatre millénaires. Mon coup de coeur est définitivement pour la Chapelle Blanche de Senousret Ier (Sesostris).
Revenant en microbus dans un quartier inconnu, je rejoins l'hôtel à pied à travers le souk, puis baignade sur la terrasse et repos pendant la forte chaleur (35°+++).
Au crépuscule, je visie la mosquée d'Abou el-Haggag, l'une des plus anciennes de la ville (XIIIème), construite à l'intérieur même du temple de Louxor, dont le minaret de brique crue fait le lien avec la pierre du premier pylône.
La soirée se termine par une croisière en felouque vers l'île aux bananes, en admirant un magnifique coucher de soleil sur la cîme thébaine et la campagne de la rive ouest ; et un dîner au clair de lune sous les palmiers.
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Lundi 5 avril 2004 |
Louxor
C'est une nouvelle journée d'errance pédestre, explorant la ville dans tous les sens, au hasard des rues, avec des pauses "awa-chichia", emplettes, et rencontres diverses.
En fin d'après-midi, je retrouve mon ami Yehia sur son bateau, le Crown Prince. Ce contact avec le monde de la croisière organisée me ramène brutalement à la semaine précédente, et me conforte dans le choix d'organiser les voyages par moi-même. Nous dînons très agréablement, discutant de l'Egypte moderne de ses immenses difficultés mais aussi de ses fantastiques capacités.
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Mardi 6 avril 2004 |
Avant de traverser pour la rive occidentale, je prends une calèche pour une courte visite très matinale aux "marché aux chameaux", où l'on trouve toutes sortes d'animaux, même des cobras ... mais aucun dromadaire !
Thèbes ouest à vélo
Le ferry local "baladi" est la meilleure manière de traverser le Nil, côtoyant les autotchones et sans le moindre touriste, en moins d'un quart d'heure et pour la somme ridicule de 25 piastres.
Sur l'autre berge, évitant le harcèlement des taxis (qui attaquent déjà sur le bac), je loue une bicyclette robuste mais bien fatiguée et grincante à souhait ; heureusement que le terrain est pratiquement plat là où je veux aller ! Elle tiendra finalement bon toute la journée.
Passant devant les Colosses de Memnon déjà cités, je poursuis jusqu'au "ticket office", lieu incontournable pour acquérir les billets avant de se diriger vers les sites.
Ramesseum
Beaucoup plus ruiné que les temples précédents, il contient pourtant de magnifiques restes, dont une statute colossale de Ramsès II de 20 mètres de haut, et continue à faire l'objet de fouilles importantes.
Les fondations en brique cure des annexes donnent une idée de l'étendue de ce gigantesque "temple de millions d'années", qui servait d'amplificateur d'énergie cosmique pour le plus pérenne des pharaons.
Medinet Habou
Beaucoup mieux conservé, le temple funéraire de Ramsès III ezt de ses successeurs recèle des trésors inattendus :
- les hiéroglyphes et bas-reliefs y sont creusés très profondément, jusqu'à quinze centimètres, protégeant ainsi contre toute usurpation ultérieure ;
- les nombreuses scènes de combat de Ramsès III rappellent curieusement la bataille de Qadesh, à la limite du plagiat ;
- une succession de salles hypostyles conserve encore de très belles polychromies, malgré l'ouverture en plein air. C'est une occasion de sortir le pied et le grand angle.
Deir el-Medinet
La grimpette jusqu'au village des artisans est courte mais rude, et il commence à faire chaud. J'étais déjà pasé devant lors de mes précédents voyages, mais c'est la première fois que je visite la "Place de Vérité", assez ému de replacer le roman de Christian Jacq (la Pierre de Lumière) dans son environnement.
Bien qu'il ne reste plus que la base des murs, l'architecture du village est très lisible, avec ses maisons de petite taile, accolées les unes aux autres, avec les deux côtés bien séparés pour les deux équipes de droite et de gauche. C'est donc là qu'ont vécu quelques uns des plus grands artistes du Nouvel Empire, à l'écart du peuple et dans le plus grand secret.
Les deux tombes de Sennedjem et d'Inherkhaou sont très petites comparées à celles des rois ; la finesse des peintures, les couleurs parfaitement préservées, le moindre petit détail des finitions sont admirables.
Un peu à l'écart, un petit temple d'époque ptolémaïque dédié à Isis contient également d'assez beaus bas-reliefs.
Vallée des Nobles
Quelques tours de pédales (faciles à la descente) m'amènent au village de Sheikh Abd-el Gournah, implanté au milieu de la nécropole des notables. Au total, plus de 400 tombes ont été retrouvées, dont une toute petite partie seulement est visitable.
Je me concentre sur deux parmi les plus réputées : Nakht (scribe royal) et Mena (scribe responsable agricole de Thoutmosis IV).
Là encore, les peintures sont parfaitement conservées et racotent la vie quotidienne des égyptiens, avec beaucoup plus de réalisme que le mystère osirien ornant les tombes royales.
Annecdote : dans la seconde tombe, il n'y aucun éclairage. Ce sont les gardiens qui, par un jeu de miroirs, illuminent successivement chaque panneau, selon la technique ancestrale des artisans.
Sur le chemin du retour, je fais une courte halte au village d'Hassan Fathy, construit pour reloger les habitants de Gournah et écarter les pilleurs de la proximité des tombes. La petite mosquée est un havre de fraîcheur.
Après avoir restitué le vélo et traversé de nouveau par le baladi, je retrouve Yehia pour un dîner passionnant chez Omar, au centre du souk. Il s'est confié librement sur les deux sujets qu'il n'aborde en principe jamais : la religion et la politique en Egypte et au sens large. Ce fut l'un de ces rares échanges riches de compréhension mutuelle, de tolérance et de conviction qui forgent une amitié veritable.
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Mercredi 7 avril 2004 |
Temple de Louxor
La matinée se passe dans le souk, à créer des relations qui perdureront les années suivantes, et faire quelques emplettes traditionnelles.
Puis c'est une deuxième visite du temple de Louxor, cette fois-ci sans la pression du groupe. J'explore en détail les coins les plus reculés, prenant le temps d'étudier les hiéroglyphes, les bas-reliefs, ... Mais il aurait fallu préparer la visite pour en profiter pleinement, en apportant quelques documents sérieux, car les guides de voyage sont vraiment très insuffisants. Qu'à cela ne tienne, je reviendrai !
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Jeudi 8 avril 2004 |
Thèbes ouest
De nouveau levé aux aurores, je reprends le baladi, toujours aussi folklorique, pour une nouvelle excursion de la nécorpole thébaine, mais cette fois-ci à pied ... enfin en prenant tout de même un microbus jusqu'au ticket office, un autre moyen de transport idéal, sur les deux rives du Nil.
Je monte à pied à Deir el-Medinet pour attraper le chemin que suivaient les artisans à travers la montagne thébaine pour rejoindre la vallée des rois. Du col, la vue sur la vallée du Nil est envoûtante, avec les villages en premier plan, Medinet Habou dans la plaine, la brume qui se lève lentement sur les champs, le fleuve que l'on devine au loin.
De l'autre côté, le chaudron de la vallée des rois étend les ramifications de ses ouadis. Je reste un bon moment tout seul en haut, avant d'affronter les troupeaux de touristes qui piaillent dans le creux.
Un rapide aller-retour en "TGV" (le petit train touristique) me permet d'acheter le billet pour trois tombes. Contrairement aux indications de l'office de tourisme, celle de Septah (KV 47) est fermée pour travaux. Je visite donc celles de Sethy II (KV 15), de Ramsès III (KV 11) et de Ramsès IX (KV 6).
Décidé à descendre à pied par la route, je suis finalement pris par un automobiliste qui m'avance de 5 kilomètres, jusqu'à la maison d'Howard Carter, non visitable, mais qui offre un joli panorama sur la vallée.
Un peu plus loin se situe le village de Gourna, qui abrite le temple de Sethy Ier. Très ruiné, il reste peu d'éléments intacts. Cependant, la structure du temple est assez facile à comprendre grâce aux soubassements arasés à moins d'un mètre de hauteur. Fait très appréciable, il n'y a strictement personne en dehors des trois gardiens qui me suivent comme mon ombre.
Je reviens ensuite, toujours à pied, à travers le petit village d'el-Khokha, jusqu'à la vallée des nobles pour visiter deux autres tombes superbes : Sennefer (TT 96) maire de Thèbes sous Amenhotep II ; et Rekhmiré (TT 100) vizir de Thoutmes III puis d'Amenhotep II. Cette dernière présente une surprenante collection d'animaux exotiques et un couloir richement décoré qui rappelle par ses encorbellements la grande galerie de Khéops.
Après plus de six heures de crapahutage, j'attrape un microbus qui me ramène au ferry et je passe la fin de journée dans le centre, dînant de nouveau chez Omar, une oasis de fraîcheur en plein centre du souk. Omar commence à me connaître et je suis particulièrement bien soigné !
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Vendredi 9 avril 2004 |
Rive droite à vélo
Louant un vélo près du temple (9 LE pour la journée), je pars à la découverte de la campagne, en commençant par la route du sud, jusqu'à l'île aux bananes ( en fait, ce n'est pas une île puisqu'un chemin même au coeur de la palmeraie). Tout un réseau de chemins ombragés longe le Nil sous les bananiers, les palmiers, les citronniers, dans le piaillement d'oiseaux de toutes sortes.
Je reviens ensuite vers le nord à travers les quartiers périphériques, beaucoup plus typiques que le bord du Nil trop marqué par le tourisme. Vendredi est jour de culte musulman ; des tapis de prière sont installés partout, même au milieu des rues ; les croyants ont tous revêtu de beaux habits (gallabehia d'un blanc immaculé pour les hommes, plus colorée pour les femmes) ; des haut-parleurs diffusent des prêches toute la journée, jusque tard dans la nuit.
Après une pause à l'hôtel, je repars vers le nors, à la recherche du domaine de Montou, dans le complexe de Karnak, mais l'accès en est sévèrement gardé de tous côtés par des policiers en armes. Ce fut quand même l'occasion de découvrir un quartier typique, presque rural, et une jolie palmeraie. Le vélo très primitif se transforme alors quasiement en VTT.
La journée fut chargée, et demain promet également ; je me couche tôt après un rapide dîner dans le souk !
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Samedi 10 avril 2004 |
A 7h30, le taxi (affrêté la veille du côté du temple) est devant l'hôtel, ponctuel. Nous rejoignons le point de formation du convoi militaire et à 8h, la caravane s'ébranle. A Qena, elle se scinde : seuls quelques minibus et taxis poursuivent sur Abydos, les autres allant vers Hurgada ou Denderah.
Abydos
Depuis trois ans, j'en rêvais, et j'y arrive enfin. C'est une véritable révélation, écourtée par les horaires stricts du convoi. Il faudra y revenir avec une organisation différente, dormir dans les environs, car franchement, 1h30 pour ce site, c'est vraiment trop peu !
La finesse des gravures, surtout pour les parties datant de Sethy Ier, est de loin la plus précise de tous les monuments que j'ai visité durant ce voyage. L'enfilement des salles hypostyles et des chapelles est également enchanteur, avec des découvertes et une progression symbolique à chaque passage de porte.
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Dendera
C'était jusqu'à ce jour mon temple préféré, très similaire à Edfou dans son architecture et sa décoration, mais que je lui trouve plus d'intimité avec le pèlerin qui le visite. Après ces deux semaines où j'ai pu mieux découvrir les détails de chaque temple, Abydos tend désormais à prendre le pas sur lui.
Toujours limité par le temps, mais quand même un peu moins que lors d'un aller-retour direct depuis Louxor (deux heures pleines au lieu d'une heure et quart), et en évitant soigneusement les groupes de touristes, je divague du naos à la terrasse, de la salle hypostyle au lac sacré, du mammisi aux cryptes.
Evidemment, je m'attarde dans les chapelles ositiennes du toit, photographiant moult détails du zodiaque (notez bien que ce n'est qu'une copie, dont l'original est au Louvre).
De retour à Louxor, il est l'heure de faire les bagages, de faire un dernier tour de la ville pour saluer les copains, anciens et récents, un dernier dîner chez Omar ... demain matin, mon taxi el-Soury passe me prendre à 5h30 ... escale au Caire au petit jour, avec une vue d'avion sur le Caire et Saqqara ... Ma'asalama Misr
NB.: c'est en revenant de ce voyage si riche que j'ai décidé de me plonger dans l'étude des hiéroglyphes ... 4 mois plus tard, le projet Rosette est né.
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